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J’apprends des choses inattendues lorsque je recherche des informations sur les effets de la pandémie et du confinement. Je trouve des mauvaises nouvelles trop facilement dans la presse écrite et d’autres médias. Regarder CNN est une expérience effrayante en ce moment. Cependant, je découvre aussi beaucoup de bonnes nouvelles, surtout sur les médias sociaux. Imaginez ce confinement cinq ou dix ans auparavant sans ces médias. Nous n’aurions pas été en contact avec cette large communauté humaine qui partage, crée et réfléchit à voix haute par le biais de ce réseau mondial. J’ai accès à des informations que je n’aurais tout simplement pas connues si je m’étais limitée à une ou deux sources de médias traditionnels. Encore mieux, je découvre des réponses créatives par l’intermédiaire de la poésie et la musique. Et je tombe sur des réflexions éloquentes concernant notre condition partagée qui me réconfortent et m’inspirent.

Les médias sociaux ont attiré mon attention sur l’une de ces réflexions de Grant Oliphant, PDG de The Heinz Endowments, une fondation privée à Pittsburgh. Oliphant est un praticien réfléchi et éloquent de la philanthropie. Il n’est donc pas surprenant qu’il ait réagi face à cette crise en réfléchissant à la situation dans laquelle nous nous trouvons et à sa signification pour les fondations. Dans The Rescue We Seek, Oliphant résume cinq leçons qu’il pense que cette crise nous enseigne à tous :

À mon avis, Oliphant offre un cadre très utile pour les dirigeants des fondations qui examinent cette crise et pensent à l’avenir. « Il s’avère, » déclare-t-il, « que la justice est importante, tout comme le savoir, le gouvernement et la nature ; il s’avère que ce n’est qu’en soutenant notre avenir commun que nous pouvons être sûrs de l’atteindre. »

Comment les dirigeants des fondations pourraient-ils transformer cette déclaration en actions concrètes ? Réfléchissez à chacune de ces idées. La justice, le savoir, le gouvernement (ou le leadership public) et la nature. Et considérez tous ces éléments du point de vue de l’action collective. Nous pourrions nous poser les questions suivantes.

Justice : que pouvons-nous faire, en tant que fondation, pour lutter contre l’injustice face à cette crise ? Nous avons entendu parler des promesses d’action de la philanthropie et de l’incitation à changer les pratiques des fondations afin de supprimer les obstacles et réduire les déséquilibres de pouvoir entre le donateur et le bénéficiaire. Accorder davantage de fonds sans restrictions aux organisations de nos communautés qui essaient de soutenir les personnes les plus touchées et les plus vulnérables devrait figurer en haut de toutes les listes des donateurs.

Savoir : comment pouvons-nous, en tant que fondation, contribuer au savoir dont l’humanité a besoin pour lutter contre cette menace mondiale et la surmonter ? Même si vous n’avez pas encore envisagé de financer la recherche, il est certainement temps de chercher des opportunités pour soutenir l’effort collectif mondial visant à trouver des traitements, des applications de dépistage et de suivi, des vaccins, etc.

Leadership public : comment pouvons-nous, en tant que fondation, soutenir le développement de leaders publics efficaces pour nous aider durant les crises futures ? Le leadership est plus important que jamais. Comme Nancy Koehn, historienne de Harvard et auteure de Forged in Crisis: The Power of Courageous Leadership in Turbulent Times, le suggère, nous avons besoin de leaders publics qui offrent « une honnêteté brutale et un espoir crédible. » Ces leaders n’émergeront pas sans mentorat ou sans possibilités de croissance. Les jeunes sont en train de nous observer en ce moment. Koehn précise que « ce moment difficile et agité sera certainement un jour considéré, en partie, comme un laboratoire fertile et vivant dans lequel des leaders courageux se sont créés. »

Nature : comment pouvons-nous, en tant que fondation, aider à réparer les dommages causés à notre environnement naturel ? Comme le fait remarquer Oliphant, « vous pouvez considérer ce virus comme un appel à la raison d’une planète en colère, mais je le vois davantage comme une expression de l’évidence : plus nous endommageons l’air, l’eau, les écosystèmes et le climat qui nous donnent vie, plus nous sommes vulnérables à la maladie et à la mort. » Chaque fondation devra un jour ou l’autre réfléchir à ce qu’elle peut faire pour développer un écosystème plus sain. Il s’agit également de justice.

Action collective : comment pouvons-nous, en tant que fondation, contribuer au travail, aux idées et aux initiatives des autres pour que nous puissions être plus efficaces ensemble afin d’obtenir une meilleure justice sociale et environnementale, un savoir plus étendu et un meilleur leadership ? Partout, des fondations privées, des fondations communautaires et d’autres donateurs unissent leurs forces pour répondre à la crise. À la fin de cette crise, chaque fondation devrait envisager une plus grande participation aux efforts collectifs de récupération et de reconstruction.

Oliphant conclut : « Nous vaincrons ce virus, mais ce n’est pas la seule épreuve à laquelle nous sommes confrontés… L’épreuve la plus grande et la plus durable est de savoir si nous utiliserons ce que nous avons appris de ce fléau pour construire une société moins fragile et divisée. » Il s’agit d’une opportunité pour que nous élargissions notre vision et que nous nous développions en tant que donateurs. Une bonne nouvelle parmi les mauvaises.

Voici trois ressources qui encouragent le financement collectif durant cette crise (et il existe aussi de nombreux fonds collectifs au niveau communautaire au Canada) :

Le Fonds de lutte contre la COVID-19 du CIFAR pour mobiliser les meilleurs penseurs au monde, fournir l’espace nécessaire pour faire rapidement face à la COVID-19 et comprendre les menaces futures des pandémies.

Le Fonds COVID-19 pour soutenir l’Organisation mondiale de la Santé, en partenariat avec la Fondation des Nations Unies et la Swiss Philanthropy Foundation. Les donateurs canadiens peuvent acheminer des fonds à l’OMS par l’intermédiaire de la fondation KBF CANADA.

Opportunities for Philanthropic Response to the COVID-19 Crisis (Opportunités de réponses philanthropiques face à la crise de la COVID-19). Le Bridgespan Group explique où les ressources des donateurs peuvent être distribuées d’une manière productive et collective.

La crise de la COVID-19 a créé une immense opportunité de changement pour les donateurs privés. La semaine dernière, j’ai expliqué que des groupes de donateurs privés collaborent pour créer et formuler des promesses de relations plus ouvertes avec leurs bénéficiaires et leurs communautés. Quatre associations de donateurs au Canada ont maintenant élaboré une promesse d’action collective solide qui établit cinq principes directeurs pour les stratégies des fondations pendant et après la période de crise.

Les fondations canadiennes sont encouragées à agir rapidement, avec souplesse et générosité, pour répondre aux besoins de leurs bénéficiaires et de l’ensemble de la communauté. Cette approche est conforme aux voix du secteur communautaire qui sollicitent un engagement de la part de leurs donateurs pour continuer leurs subventions, lever toutes leurs conditions et faire confiance à la capacité de leurs bénéficiaires d’utiliser les fonds en fonction des besoins. On demande également aux donateurs d’augmenter leur financement global et de l’orienter vers la crise au fur et à mesure qu’elle se développe.

La demande de fonds dépassera certainement ce qu’un donateur peut fournir, même si les fondations utilisent plus de dons, comme elles sont exhortées à le faire. Alors, comment pouvez-vous cibler plus efficacement vos fonds limités ? Cela semble évident, mais la meilleure chose à faire est de poser la question à vos bénéficiaires. Dans une série de trois articles récents, le très réfléchi Phil Buchanan du Center for Effective Philanthropy a suggéré que les donateurs devraient établir un dialogue avec l’ensemble de leurs bénéficiaires pour identifier rapidement ceux qui se trouvent dans les conditions les plus précaires — et affecter en conséquence leurs ressources à court terme à ces organisations. Le CEP recommande d’effectuer une enquête rapide auprès de vos bénéficiaires pour leur demander : comment vos activités ont-elles été perturbées ? De quoi avez-vous le plus besoin ? Quelles activités risquez-vous de devoir arrêter ou abandonner si la crise se poursuit ? Un dialogue proactif avec vos bénéficiaires (à moins que vous en ayez des centaines) devrait être une chose relativement simple à faire.

Cependant, d’autres considérations que le maintien du soutien et de la communication avec vos bénéficiaires doivent être prises en compte, bien que celui-ci passe avant tout. En lisant les nombreux commentaires d’experts en philanthropie, je remarque que cette crise ravive le débat dominant concernant le rôle de la philanthropie privée dans notre société. Les fondations devraient-elles consacrer toutes leurs ressources à la lutte contre l’injustice sociale, à la promotion des moins favorisés, à la modification des conditions sous-jacentes et systémiques ? Ou sont-elles incapables de le faire, parce qu’elles font partie de la structure même du pouvoir qui crée l’injustice ? Leur engagement envers le modèle de dotation perpétuelle les empêche-t-il d’agir efficacement, avec suffisamment de ressources, ici et maintenant ? Certains, même au sein de la communauté des fondations, critiquent la réponse à la crise jusqu’à présent, suggérant qu’elle révèle, comme elle le fait à bien des égards, l’incapacité des fondations à réagir efficacement.

Je ne crois pas que cela soit vrai. Nous n’avons pas encore vu ce que les fondations canadiennes peuvent faire. Il est encourageant que les quatrième et cinquième principes de la déclaration commune de l’association des donateurs abordent sans détour la question de la justice sociale. Cette déclaration suggère d’agir maintenant pour l’équité, pendant la crise et à long terme.

Dans l’immédiat, les fondations devraient : « Appuyer les organisations communautaires et faire connaître leurs besoins. Ce qui est particulièrement important pour les groupes en quête d’équité. »

À plus long terme, les fondations devraient : « Investir temps et énergie pour remarquer, montrer et partager avec d’autres de nouveaux moyens et de nouvelles normes afin d’approcher notre travail, qui engendreront un profond changement et favoriseront plus d’équité et de justice, dans les mois et les années à venir. »

Nos actions sont les moyens par lesquels nous rendons nos paroles crédibles. Alors, que faire ?

La pandémie de la COVID 19 offre-t-elle une opportunité de changement pour la philanthropie canadienne ? Si c’est le cas, quelle opportunité et comment ? Il est probablement trop tôt pour le dire. Toutefois, il est intéressant de noter les observations faites la semaine dernière par des fondations américaines qui annonçaient que le moment était venu pour une réponse radicale. Il n’est pas trop tôt pour dire que l’interruption des services non essentiels de notre société et notre économie à cause de la pandémie entraînera des changements majeurs à court et moyen terme dans le secteur à but non lucratif. Il faudra repenser les structures de financement, les pratiques de travail, les collaborations, etc. Nous devrons nous adapter non seulement durant les deux prochains mois, mais probablement durant l’année à venir et même au-delà.

Saisissant cette opportunité, la Fondation Ford et le Trust-Based Philanthropy Project (commandité par Ford) ont proposé une « promesse d’action » pour changer les pratiques des fondations. En formulant cette promesse, les fondations s’engagent à respecter 8 principes de financement et de relation avec leurs partenaires communautaires et leurs bénéficiaires :

Cette promesse a remarquablement été signée par plus de 200 fondations (et ce chiffre ne cesse d’augmenter). C’est un exemple stupéfiant d’une réponse collective du secteur des fondations. Les donateurs peuvent fournir des fonds qui font cruellement défaut… et faire tellement plus !

(d’ailleurs, j’ajouterais un 9e principe : engager de nouveaux fonds pour les organisations ombrelles et intermédiaires qui aident à élever les voix collectives du secteur aux niveaux national, régional et local.)

Ce qui est fascinant, c’est de voir la mobilisation rapide des donateurs américains adoptant un ensemble de pratiques que des organismes de financement comme Grantmakers for Effective Organizations, des fondations individuelles comme Ford, des observateurs comme Vu Le, des centres comme le Centre for Effective Philanthropy et des projets collectifs comme le Trust-Based Philanthropy Project défendent depuis quelques années. C’est leur réponse face à la critique croissante des pratiques élitistes des fondations et à la réalisation grandissante de l’efficacité de la diversité, de l’inclusion et des pratiques de participation. Cela peut donc provoquer un changement fondamental dans la pratique philanthropique pour un large groupe de donateurs américains. C’est certainement ce que Ford (qui a ouvert la voie avec son programme BUILD) et d’autres personnes espèrent maintenant. Notez le 8e principe :

« Nous devons tirer des leçons de ces pratiques d’urgence et partager ce qu’elles nous enseignent sur un partenariat efficace et le soutien philanthropique, afin que nous puissions envisager d’ajuster plus fondamentalement nos pratiques à l’avenir, dans des périodes plus stables, en nous basant sur tout ce que nous avons appris. »

Une crise est nécessaire pour qu’un tournant décisif se produise. S’agit-il également d’un tournant décisif pour les donateurs canadiens ?

Qu’est-ce qui nous empêche de créer (ou d’adapter) et de signer une promesse similaire ? Qu’est-ce qui nous empêche d’examiner notre façon d’agir collectivement non seulement pour soutenir l’intervention d’urgence à court terme face aux besoins de la communauté, mais aussi pour réévaluer nos pratiques à long terme ? Les Fondations philanthropiques Canada informent les donateurs canadiens des réponses liées à la COVID 19 par le biais d’une nouvelle sélection hebdomadaire. Elles pourraient collaborer avec les Fondations communautaires du Canada et d’autres groupes de donateurs pour nous orienter vers un réexamen des pratiques de dons pendant et peut-être après la pandémie.

Pendant ce temps, nous observons des exemples créatifs de réponse collective face à la pandémie. Le National Center for Family Philanthropy aux États-Unis offre une carte interactive et une liste de ressources en constante évolution aux donateurs en ce qui concerne la COVID 19. Nous pouvons faire la même chose au Canada ! Voici quelques fonds et ressources déjà disponibles pour les donateurs canadiens :

Au niveau local :

Au niveau national et selon les enjeux :

Au niveau international (pour les donateurs canadiens) :

Charity Village est en train de dresser une liste des organisations ombrelles et intermédiaires qui préparent une réponse face à la COVID 19 pour l’ensemble du secteur caritatif.

« La voie à suivre est de réaliser que nous avons du pouvoir, même face à quelque chose qui nous fait nous sentir incroyablement petits, et qu’il réside là où il a toujours été—en se rappelant que nous sommes dans cette situation ensemble et en trouvant des moyens d’assumer notre responsabilité collective et notre responsabilisation les uns envers les autres. » – Grant Oliphant, The Heinz Endowments

Nous sommes tous dans le même bateau. C’est le message clé de cette pandémie. Les gouvernements et les experts en santé publique nous demandent de faire le nécessaire pour nous tous et pas seulement pour chacun de nous. C’est une période remarquable. Les gens se rendent vraiment compte de l’importance de leurs actes pour le bien-être des autres. La plupart des personnes qui travaillent dans le secteur caritatif ou communautaire pensent à cela dans leur travail quotidien. Toutefois, ce n’est pas au cœur des préoccupations du public. C’est donc un choc lorsque nous sommes tous confrontés en même temps à la nécessité de se comporter correctement pour le bien public, et non privé. Nous sommes tous dans le même bateau… et nous sommes appelés à renoncer à quelque chose pour les autres. La liberté de mouvement, le rassemblement social, le plaisir collectif. C’est incroyable, mais nécessaire.

Plus que cela, la philanthropie est appelée à faire ce qui est nécessaire, ce qui doit être fait pour le bien public. Comme mon collègue Krystian Seibert en Australie l’a indiqué, c’est le moment pour la philanthropie de donner le meilleur d’elle-même. C’est angoissant. Surtout pour les fondations lorsque les marchés boursiers font chuter considérablement la valeur des dons. C’est aussi difficile qu’en 2008. Peut-être même plus. Cependant, tout comme on nous avait demandé en 2009 de redoubler nos efforts et de nous impliquer avec nos partenaires communautaires, non pas pour réduire nos engagements de financement, mais pour les maintenir et même les augmenter, on nous demande à nouveau de participer. Et nous disposons actuellement de tellement d’outils et de ressources que nous n’avions pas en 2009.

« Le maintien des bouées de sauvetage et des filets de sécurité communautaires est l’une des contributions les plus importantes de la communauté philanthropique. » Cette citation provient d’un excellent webinaire du Center for Disaster Philanthropy sur la pandémie et la façon dont la philanthropie peut participer. Le CDP offre de très bonnes ressources pour aider les fondations à réfléchir à leurs stratégies dans cette situation sans précédent.

Les dirigeants des fondations nous donnent également une orientation morale, alors qu’ils intensifient leur leadership. Des commentaires de la Barr Foundation, la Fondation Ford, la Gates Foundation, The Heinz Endowments, la Fondation McConnell, la Hallman Foundation et la Fondation Lawson nous disent : que doit faire la philanthropie dans cette crise ?

Ce dernier élément est crucial. L’infrastructure soutient les organisations qui s’affaiblissent face à ce terrible barrage en fournissant des informations, en créant des liens, en défendant les organismes et en faisant du lobbying. Imagine Canada, l’Ontario Nonprofit Network et d’autres organisations font tout ce qu’ils peuvent pour tenir le secteur informé et rappeler aux gouvernements que les organismes de ce secteur ont besoin d’un soutien extraordinaire pour surmonter cette crise, tout comme les petites entreprises et les particuliers. Ils ont besoin d’aide pour effectuer ce travail.

Les conséquences financières et économiques de cette crise se feront lourdement sentir dans le secteur caritatif. Les fondations doivent donc être là pour aider durant les mois et peut-être les années à venir. Nous avons traversé 2008-2009 ensemble. Nous pouvons aussi surmonter cette situation ensemble. Avec du courage et de la détermination. Nous ne devons pas reculer ou échouer. Nous sommes responsables les uns envers les autres.

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